Extraits de spectacles, théâtre, cinéma




Les Profs




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Alors aujourd'hui, on invente un exercice, on le fait, on le corrige... tout seul !
Et en silence !
Vous avez 45 minutes. C'est parti !


Pierre-François Martin-Laval
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Parler pour ne rien dire




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Mesdames et messieurs..., je vous signale tout de suite que je vais parler pour ne rien dire.
Oh ! je sais ! Vous pensez « S'il n'a rien à dire... il ferait mieux de se taire ! »
Évidemment ! Mais c'est trop facile !...
C'est trop facile !
Vous voudriez que je fasse comme tous ceux qui n’ont rien à dire et qui le gardent pour eux ?
Eh bien, non !

Mesdames et messieurs, moi, lorsque je n'ai rien à dire, je veux qu'on le sache !
Je veux en faire profiter les autres !
Et si, vous-mêmes, mesdames et messieurs, vous n'avez rien à dire, eh bien, on en parle, on en discute !
Je ne suis pas ennemi du colloque.

Mais, me direz-vous, si on parle pour ne rien dire, de quoi allons-nous parler ?
Eh bien, de rien ! De rien ! Car rien... ce n'est pas rien !
La preuve, c'est qu'on peut le soustraire.

Exemple : Rien moins rien = moins que rien !
Si l'on peut trouver moins que rien, c'est que rien vaut déjà quelque chose !
On peut acheter quelque chose avec rien !
En le multipliant ! Une fois rien ... c'est rien !
Deux fois rien ... ce n'est pas beaucoup !
Mais trois fois rien !... Pour trois fois rien, on peut déjà acheter quelque chose... et pour pas cher !
Maintenant, si vous multipliez trois fois rien par trois fois rien : Rien multiplié par rien = rien.
Trois multiplié par trois = neuf.
Cela fait : rien de neuf !
Oui... Ce n’est pas la peine d'en parler !

Raymond Devos
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Marius



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CÉSAR (à Marius) - Eh bien, pour la deuxième fois, je vais te l'expliquer, le picon-citron-curaçao. Approche-toi ! Tu mets d'abord un tiers de curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c'est joli. Et à la fin, un GRAND tiers d'eau. Voilà.

MARIUS - Et ça fait quatre tiers.

CÉSAR - Exactement. J'espère que cette fois, tu as compris.

MARIUS - Dans un verre, il n'y a que trois tiers.

CÉSAR - Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers.

MARIUS - Eh non, ça ne dépend pas. Même dans un arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers.

CÉSAR - Alors, explique-moi comment j'en ai mis quatre dans ce verre.

MARIUS - Ça, c'est de l'Arithmétique.

Marcel Pagnol
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L'addition


LE CLIENT : - Garçon, l'addition !

LE GARCON : - Voilà. (Il sort son crayon et note.)
Vous avez... deux oeufs durs, un veau, un petit pois, une asperge, un fromage avec beurre, une amande verte, un café filtre, un téléphone.

LE CLIENT : - Et puis des cigarettes !

LE GARCON : (Il commence à compter.)
- C'est ça même... des cigarettes...
Alors ça fait...

LE CLIENT : - N'insistez pas, mon ami, c'est inutile, vous ne réussirez jamais.

LE GARCON : - !!!

LE CLIENT : - On ne vous a donc pas appris à l'école que c'est ma-thé-ma-ti-que-ment impossible d'additionner des choses d'espèce différente !

LE GARCON : - !!!

LE CLIENT : (Elevant la voix.)
- Enfin, tout de même, de qui se moque-t-on ?... Il faut réellement être insensé pour oser essayer de tenter d'additionner un veau avec des cigarettes, des cigarettes avec un café filtre, un café filtre avec une amande verte et des oeufs durs avec des petits pois, des petits pois avec un téléphone... Pourquoi pas un petit pois avec un grand officier de la Légion d'honneur, pendant que vous y êtes !
(Il se lève.)
Non, mon ami, croyez-moi, n'insistez pas, ne vous fatiguez pas, ça ne donnerait rien, vous entendez, rien, absolument rien... pas même le pourboire !
(Et il sort en emportant le rond de serviette à titre gracieux.)

Jacques Prévert

 

Les tontons flingueurs




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RAOUL VOLFONI : Ramasser les miettes, vous appelez ça la sécurité vous ? Vous savez combien il nous a coûté le Mexicain en quinze ans ? Vous savez combien qu’il nous a coûté ?? Oh, dis leur Paul, moi j’peux plus.

PAUL VOLFONI : A 500 sacs par mois, rien que de loyer, ça fait 6 briques par an : 90 briques en 15 ans.

RAOUL VOLFONI : Plus 30 briques de moyenne par an sur le flambe. Vous savez à combien on arrive ? Un demi- milliard ! Et toi pareil pour la petite ferme. Ben dis que c’est pas vrai !

Michel Audiard
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La leçon




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Le professeur : Procédons autrement... Limitons-nous aux nombres de un à cinq, pour la soustraction... Attendez Mademoiselle, vous allez voir. Je vais vous faire comprendre. Voyez, Mademoiselle... (Il fait semblant de dessiner, au tableau noir, un bâton; il fait semblant d'écrire au-dessous le chiffre 1; puis deux bâtons, sous lesquels il fait le chiffre 2, puis en dessous le chiffre 3, puis quatre bâtons au-dessous desquels il fait le chiffre 4.) Vous voyez...

L'élève : Oui, Monsieur.

Le professeur : Ce sont des bâtons, Mademoiselle, des bâtons. Ici c'est un bâton; là ce sont deux bâtons; là, trois bâtons, puis quatre bâtons, puis cinq bâtons. Un bâton, deux bâtons, trois bâtons, quatre et cinq bâtons, ce sont des nombres. Quand on compte des bâtons, chaque bâton est une unité, Mademoiselle.. Qu'est-ce que je viens de dire ?

L'élève : "Une unité, Mademoiselle! Qu'est-ce que je viens de dire ?"

Le professeur : Ou des chiffres! ou des nombres! Un, deux, trois quatre, cinq, ce sont des éléments de la numération Mademoiselle.

L'élève : Oui, Monsieur. Des éléments, des chiffres, qui sont des bâtons, des unités et des nombres...

Le professeur : A la fois... C'est-à-dire, en définitive, toute l'arithmétique elle-même est là.

L'élève : Oui, Monsieur. Bien, Monsieur. Merci, Monsieur.

Le professeur : Alors, comptez, si vous voulez, en vous servant de ces éléments... additionnez et soustrayez...

L'élève : Comme pour imprimer dans sa mémoire. Les bâtons sont bien des chiffres et les nombres, des unités ?

Le professeur : Hum... si l'on peut dire. Et alors ?

L'élève : On peut soustraire deux unités de trois unités, mais peut-on soustraire deux deux de trois trois? et deux chiffres de quatre nombres ? et trois nombres d'une unité ?

Le professeur : Non, Mademoiselle.

L'élève : Pourquoi, Monsieur ?

Le professeur : Parce que, Mademoiselle.

L'élève : Parce que quoi, Monsieur ? Puisque les uns sont bien les autres ?

Le professeur : Il en est ainsi, Mademoiselle. Ça ne s'explique pas. Ça se comprend par un raisonnement mathématique intérieur. On l'a ou on ne l'a pas.

L'élève : Tant pis !

Le professeur : Écoutez-moi, Mademoiselle, si vous n'arrivez pas à comprendre profondément ces principes, ces archétypes arithmétiques, vous n'arriverez jamais à faire correctement un travail de polytechnicien. Encore moins ne pourra-t-on vous charger d'un cours à l'École polytechnique... ni à la maternelle supérieure Je reconnais que ce n'est pas facile, c'est très, très abstrait... évidemment... mais comment pourriez vous arriver, avant d'avoir bien approfondi les éléments premiers, à calculer mentalement combien font, et ceci est la moindre des choses pour un ingénieur moyen.
Combien font, par exemple, trois milliards sept cent cinquante-cinq millions neuf cent quatre-vingt-dix-huit mille deux cent cinquante et un, multiplié par cinq milliards cent soixante-deux millions trois cent trois mille cinq cent huit ?

L'élève : Ça fait dix-neuf quintillions trois cent quatre-vingt dix quadrillions deux trillions huit cent quarante quatre milliards deux cent dix-neuf millions cent soixante-quatre mille cinq cent huit...

Le professeur : Non. Je ne pense pas. Ça doit faire dix-neuf quintillions trois cent quatre-vingt-dix quadrillions deux trillions huit cent quarante-quatre milliards deux cent dix-neuf millions cent soixante-quatre mille cinq cent neuf...

L'élève : ... Non... cinq cent huit...

Le professeur : Oui... Vous avez raison... le produit est bien... quintillions, quadrillions, trillions, milliards, millions... cent soixante-quatre mille cinq cent huit... Mais comment le savez-vous, si vous ne connaissez pas les principes du raisonnement arithmétique ?

L'élève : C'est simple. Ne pouvant me fier à mon raisonne ment, j'ai appris par coeur tous les résultats possibles de toutes les multiplications possibles.

Eugène Ionseco
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