Le nombre e

 

Un nombre qui ne connaît pas la célébrité du nombre Pi et pourtant on lui trouve de très nombreuses ressemblances.
Comme son congénère, e est un nombre irrationnel, c'est à dire qu'il s'écrit avec un nombre infini de décimales sans suite logique.
Ses premières décimales sont : e = 2,7182818284 5904523536 0287471352 6624977572 47093699959574966967 6277240766 3035354759 4571382178 5251664274…
Le nombre e est également un nombre transcendant. On dit qu’un nombre est transcendant s’il n’est solution d’aucune équation à coefficients entiers.
Le nombre par exemple, est irrationnel mais n’est pas transcendant puisqu’il est solution de l’équation x2 = 2. Un tel nombre est dit «algébrique».

 


John Napier

Par contre, ses origines ne remontent pas aussi loin que celles du nombre Pi.
Pour comprendre son introduction dans le langage des mathématiques, il faut nous projeter en 1614, date à laquelle, un mathématicien écossais, John Napier (1550 ; 1617) plus connu sous le nom francisé de Neper publie « Mirifici logarithmorum canonis descriptio ». Dans cet ouvrage, qui est la finalité d’un travail de 20 ans, Neper présente un outil permettant de simplifier les calculs opératoires : le logarithme (étudié dans les classes terminales du lycée).
Ceci peut paraître dérisoire aujourd’hui, mais il faut comprendre qu’à cette époque, les calculatrices n’existent évidemment pas, les nombres décimaux ne sont pas d’usage courant et les opérations posées telles que nous les utilisons ne sont pas encore connues. Et pourtant l'astronomie, la navigation ou le commerce demandent d’effectuer des opérations de plus en plus complexes.
Mais si Neper s’est lancé dans cette folle aventure, c’est au départ pour simplifier les calculs de trigonométrie utiles en astronomie. Il donne ainsi une première table des logarithmes des sinus d’angles.

Il est à noter qu'un suisse du nom de Joost Bürgi (1552 ; 1632) invente les logarithmes au même moment et de façon indépendante à Napier mais sa publication lui est postérieure.



Dans « Rabdologiae, seu numerationis per virgula libri dur » publié en 1617, Neper développe ses méthodes et explique le fonctionnement de baguettes de calculs appelées "Os de Napier" (dont il est l’inventeur). Mises côte à côte, elles permettent d’effectuer les tables de multiplications.

Toutefois les logarithmes ne trouveront leur essor qu’après la mort de Neper. Les mathématiciens anglais Henri Briggs (1561 ; 1630) et William Oughtred (1574 ; 1660) reprennent et prolongent les travaux de Neper. Briggs publie successivement plusieurs tables de logarithmes et Oughtred invente une nouvelle règle de calcul qui repose sur les calculs de logarithmes.

Mais au fait, qu’est-ce qu’un logarithme ?
Il faudrait plutôt dire « les logarithmes » ou « les fonctions logarithmes » !
Pour comprendre, donnons une définition simplifiée du logarithme de Briggs, le logarithme de base 10, noté log :
Nous savons que : 103 = 10 x 10 x 10 = 1000 alors log(1000) = 3
De même : 104 = 10 x 10 x 10 x 10 = 10000 alors log(10000) = 4
De façon générale, si 10x = y alors log(y) = x

Mais log ne donne pas nécessairement une valeur entière.
Si par exemple : 10x = 25 alors x = log(25) ≈ 1,3979

A partir de là, nous comprenons bien que log est une fonction qui associe une valeur log(x) à chaque valeur de x donnée. Les mathématiciens de l’époque établissent alors des tables de logarithmes de plus en plus précises qui expriment log(x) en fonction de x. En voici des extraits :

Pour comprendre l’intérêt d’établir ces tables logarithmiques, voici un exemple qui explique comment les logarithmes permettent de substituer une multiplication par une addition (opération bien plus commode à effectuer).
Pour cela, il faut rappeler la fameuse formule qui fait passer d'un produit à une somme :
log(xy) = log(x) + log(y)

Ainsi, celui qui aurait à effectuer 36 x 62, appliquerait cette formule, soit :
log(36 x 62) = log(36) + log(62) ≈ 1,5563 + 1,7924 (voir extrait de table plus haut)

L’addition étant beaucoup plus simple à effectuer que la multiplication, on trouve facilement :
log(36 x 62) ≈ 3,3487
En cherchant dans la table, le logarithme égal à 3,3487, on trouve 2232, soit : 36 x 62 = 2232.

On voit par cet exemple que les logarithmes ne sont que des intermédiaires qui disparaissent pour laisser place au résultat cherché de l'opération. C'est pour cette raison qu'ils seront qualifiés à l'époque de Napier de nombres arificiels.

 

Mais après tout ça, nous avons un peu oublié notre nombre e. Alors que vient-il faire là ?
Il se trouve que e est pleinement lié au logarithme, plus précisément à un logarithme (nous avons dit plus haut qu’il en existe des différents) : le logarithme népérien, nom donné en hommage à Neper (bien sûr !) .
On le note ln.

Le logarithme népérien ne se définit pas facilement sans les connaissances du lycée.
On peut le voir comme l’aire de la portion du plan comprise entre l’axe des abscisses, la courbe d’équation y = 1 / t et les deux droites d’équation t = 1 et t = x (aire hachurée sur la figure ci-contre).

En fait, pour tout x strictement positif, log(x) est égal à C x ln(x) où C est une constante proche de 0,4343.

On pourrait se demander alors qu’elle est la solution de l’équation ln(x) = 1 autrement dit, pour quelle valeur le logarithme népérien est-il égal à 1 ?
On pourrait, non ?
Cette solution est tout simplement le nombre e ! Tout simplement !



William Oughtred

Dans un premier temps, e n’éveille guère l’attention des mathématiciens bien qu’Oughtred l’utilise déjà dans ses calculs. Plus tard Christiaan Huygens (1629 ; 1695) établira un lien géométrique entre l’aire sous la courbe d’une hyperbole et le nombre e puis le suisse Jakob Bernoulli (1654 ; 1705) proposera par un calcul de limite une première estimation pour les besoins de la finance. Il trouvera 2 < e < 3. En 1690, l’allemand Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646 ; 1716) définit le nombre e et propose de le nommer b (le nom actuel n’existe pas encore).

 


Leonhard Euler

Le premier à s’intéresser de façon sérieuse au nombre e est le mathématicien suisse Leonhard Euler (1707 ; 1783). C’est à lui que nous devons le nom de ce nombre. Non pas qu’il s’agisse de l’initiale de son nom mais peut être car e est la première lettre du mot exponentielle.
La fonction exponentielle, notée exp, est la fonction réciproque du logarithme népérien.
Autrement dit : si ln(x) = y alors x = exp(y).
Or exp(1) est justement égal à e.

Dans « Introductio in Analysin infinitorum » publié en 1748, Euler explique que : e = 1 + 1/1! + 1/2! + 1/3! + ...
Rappelons que par exemple 5! se lit "factorielle 5" et est égal à 1 x 2 x 3 x 4 x 5.
Par cette formule, il obtient une estimation de e avec 18 décimales exactes.

Nous devons aussi à Euler la démonstration de l’irrationalité de e.


Depuis Euler et comme pour Pi, les records se sont succédés. Actuellement, il est détenu par Xavier Gourdon et Shigeru Kondo qui en 2003 ont obtenu 50 100 000 000 décimales.

Aujourd’hui les applications de e sont variées. Par la fonction exponentielle, nous le retrouvons en économie (calculs des intérêts versés de façon continue), en biologie (mesure de la multiplication des cellules vivant dans un organisme), en sciences physiques …

Pour finir, voici un extrait du "Théorème du perroquet" de Denis Guedj qui donne une représentation concrère du nombre e :

« Suppose qu'il y a un an tu aies amassé un beau pécule qui nous permettra de payer notre voyage pour Manaus. Soit P, ce pécule. Tu l'as placé en attendant. Coup de bol, ton banquier t'a proposé un taux d'intérêt mirobolant : 100 % ! Ne rigole pas, ça s'est vu. Pas avec les pauvres, mais avec les riches. Rêve ! Calcule ! Au bout d'un an, tu aurais eu P + P = 2P. Tu aurais doublé ton pécule.
Si au lieu de toucher les intérêts à la fin de l'année, tu les avais touchés tous les six mois et que tu les aies replacés, au bout d'un an ça t'aurait fait P(1 + 1/2)2. Calcule Tu aurais plus que doublé ton pécule tu aurais 2,25P. Si au lieu de toucher les intérêts tous les six mois, tu les avais touchés tous les trimestres et que tu les aies replacés, au bout de l'année, ça t'aurait fait P(1 + 1/4)4. Calcule ! Tu aurais gagné encore plus : 2,441P. Si tu les avais touchés tous les mois et que tu les aies replacés, ça t'aurait fait P(1 + 1/12)12. Calcule ! 2,613P. Encore plus ! Puis, tous les jours : P(1 + 1/365 )365. Encore plus toutes les secondes, encore plus. Et puis, tous les riens du tout, « en continu ». Tu n'en peux plus, tu t'envoles, tu planes, tu te dis que c'est Byzance, que ton pécule pécuple, qu'il va quadrupler, décupler, centupler, millionupler, milliardupler, [ ... ] Tes intérêts composés, ils ont beau se décomposer, eh bien, à l'arrivée, tu n'a même pas le triple de ton pécule, ni même 2,9 fois plus, ni même 2,8 fois plus, ni même 2,75 fois plus, ni même 2,72 fois plus... Tu as seulement 2, 71 828 1828 ! ... Mon pauvre John, après toute cette richesse, te voilà seulement e fois moins pauvre qu'au départ ! »

 

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